viernes, 7 de mayo de 2010

À vous mettre l'eau à la bouche!

(....)On peut prendre un livre comme un fruit; on le tâte, on le soupèse; sa couverture est une peau luisante et fraîche, pomme ronde, sans aucune tache ni rousseur, à mâturité, pomme à manger au couteau, pagination ouverte, le mystère n'est plus dans le regard mais dans la lecture. On ne lit pas un fruit, mais on dévore un livre des yeux. Habitudes, mouillure des lèvres sur la chair, blancheur des marges, senteurs, de quel arbre fuitier est tombé le livre?

J'aimerais que tout se passe avec la même réserve. On enlève la peau, on lisse la page de la paume de la main; où sont le coeur, la semence, la coupe? C'est frais, net avant que la première page ne soit ouverte, la première tranche; tout est encore translucide, opalin; les caractères ont la noirceur des pépins; chaque mot a sa germination, parfois stérile, parfois se développant dans des conditions incroyables, imbibiés d'encre mais sans la luisance de la graine, la goutte d'encre profanée, livre-fruit, à détacher de son auteur, à cueillir, à déposer dans le panier percé de notre intelligence. (...)

D'après "Lectures". Jean Cayrol

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